La crise de 2008 a permis de redécouvrir les vertus des entreprises familiales. Elles présentent en effet beaucoup d’avantages par rapport aux sociétés cotées : la stabilité de l’actionnariat, une gestion dans la durée, la prudence et un faible endettement. À tel point qu’une étude de la banque UBS a pu les qualifier de « rempart contre la crise ».1

 

Qu’est-ce qu’une PME familiale ?

Ce sont pour la majorité des entreprises de moins de 10 M€ de chiffre d’affaires – même si de très grandes entreprises familiales sont bien connues, comme Hermès, Auchan, Decaux, Bolloré – dont la majorité du capital appartient au fondateur et à sa famille, ou à ses descendants. Elle est dirigée par un membre de la famille, et les proches, enfants, cousins, conjoints, occupent souvent des postes de direction dans la société.

 

Une vision long terme

Alors que les entreprises cotées sont soumises au diktat du calendrier boursier, et que l’horizon de leur gestion est celui des résultats semestriels, voire trimestriels, les PME familiales s’inscrivent dans une vision patrimoniale. L’accroissement de valeur que recherchent leurs dirigeants est à long terme, ils ne veulent pas faire un coup mais transmettre une entreprise saine à leurs enfants.

Ce souci de pérennité leur donne 4 atouts majeurs :

  • La stabilité : les études démontrent que les PME familiales ont deux fois moins de risque de déposer le bilan que les autres. L’explication est financière bien sûr mais aussi psychologique. Lorsque le patrimoine de la famille est en totalité investi dans une entreprise, quel dirigeant familial prendra le risque de s’aventurer dans un développement hasardeux, qui mettrait en risque l’emploi et la sécurité de la famille entière ?
  • La résilience : de la même façon, en cas de crise économique durable ou de difficultés passagères, on sait que les entreprises familiales s’en sortent mieux que les autres. Les actionnaires familiaux comprennent mieux que d’autres les impératifs de gestion et peuvent réduire, ou supprimer, temporairement les dividendes perçus pour renforcer la solidité de leur entreprise : ils arbitrent entre leurs intérêts à court terme et ceux à long terme.
  • La frugalité : le capitalisme familial est moins gourmand que le capitalisme boursier. Une part non négligeable des bénéfices réalisés est mise de côté, pour renforcer le haut de bilan et la trésorerie.
  • La prudence : la croissance se fait souvent par auto-financement et grâce au faible taux de distribution des dividendes. Les dirigeants refusent des montages risqués ou à taux élevés, quelle que soit la période. Ils sont habitués à faire plus avec moins, ce qui les pousse à être ingénieux et parcimonieux.

 

Un management plus efficace

La prise de décision est plus facile et rapide dans une entreprise familiale que dans une société capitalistique : la concertation entre les dirigeants et les actionnaires y est facilitée !

Le management y est plus proche des salariés et représentants syndicaux, le dialogue est plus humain qu’inscrit dans des rapports de force, ce qui peut aplanir des difficultés ou éviter des arrêts de travail.

La fidélité et l’attachement des employés y sont souvent plus forts. La personnalité du fondateur, son histoire personnelle qui se confond avec celle de la société qui porte généralement son nom, autorisent et facilitent la projection de l’ensemble du personnel dans un projet d’évolution important.

Nous avons ainsi connu une belle entreprise de mécanique dans laquelle l’actionnaire majoritaire, petit-fils du fondateur, avait transmis la direction à l’un de ses cadres pour mener une diversification d’envergure. Le changement de dimension mené tambour battant par le nouveau DG a généré tellement d’affrontements en interne que l’héritier a dû reprendre sa place. Aidé par la légitimité que lui procurait son nom, il a pu donner des garanties au personnel quant au respect de l’identité de l’entreprise. Celle-ci a ensuite doublé son chiffre d’affaires en trois ans. Paradoxalement, les employés étaient plus attachés que lui à ce que la diversification se fasse dans le respect de l’histoire de la société, avec laquelle ils s’identifiaient d’autant plus facilement que leurs pères avaient pu y travailler aussi.

 

Mais le risque de l’immobilisme !

Toute médaille a son revers… À la longue, les nombreux atouts que nous venons de voir peuvent se transformer en autant de défauts :

  • La prudence face à la dette peut aussi devenir un refus obstiné de s’endetter « mon père a développé sa société sans emprunter un sou, je peux faire pareil ». Sans voir que le monde a changé, que les taux sont bas et qu’on peut passer à côté d’opportunités à trop vouloir se préserver.
  • La stabilité qui préserve le patrimoine familial peut tourner en peur de prendre des risques. Le dirigeant voit alors plus ce qu’il a à perdre que ce que la famille pourrait gagner, la balance risque/bénéfices que tout chef d’entreprise doit manier penche toujours du même côté, et le chiffre d’affaires stagne.
  • Les liens familiaux entre actionnaires et dirigeants, qui favorisent l’action quand tout va bien, entraînent une paralysie totale quand parents et enfants s’opposent sur la stratégie à mener, ou quand des problèmes externes à l’entreprise viennent polluer les relations familiales. Combien de sociétés florissantes avons-nous vu péricliter sur fond de dissensions familiales, incapables de prendre une décision ?

 

Comment éviter ces risques ?

Quelques conseils tirés de notre expérience, pour éviter l’immobilisme :

  • Préparer sa succession, sans attendre le dernier moment. L’ainé des enfants n’est pas nécessairement le plus compétent ou celui qui a le plus envie d’assurer la continuité familiale…
  • Savoir qui dirige effectivement la société. Associer des membres de sa famille dans un comité de direction ne signifie pas abdiquer sa responsabilité de dirigeant, qui est de choisir.
  • Toujours s’assurer qu’il existe une majorité au capital. Attention aux blocs de voix répartis de façon égalitaire entre frères et sœurs, qui rendent la société ingouvernable.
  • Avoir le courage de se doter d’un regard extérieur à la famille, qui apportera une vision professionnelle et dépassionnée. Un administrateur (vraiment) indépendant pour le conseil d’administration ou un consultant expérimenté sont l’idéal.

 

1 UBS janvier 2009