NÉ EN 2012 DE LA FUSION DE DEUX STRUCTURES SAVOYARDES QUI ACCOMPAGNAIENT LE DÉVELOPPEMENT DES ENTREPRISES DE L’AMÉNAGEMENT DE LA MONTAGNE EN FRANCE ET À L’INTERNATIONAL, LE CLUSTER MONTAGNE, CONSOLIDÉ PAR UN RÉSEAU DE PARTENAIRES PUBLICS ET PRIVÉS, EST DEVENU LE PREMIER INTERLOCUTEUR FRANÇAIS DES ACTEURS DE L’AMÉNAGEMENT DES STATIONS DE SKI. À L’INTERNATIONAL, SES CONSEILS D’EXPERT S’EXPORTENT DE FAÇON NOTOIRE. CHINE, RUSSIE, INDE, PAKISTAN, OUZBÉKISTAN… DES PAYS QU’ON N’IMAGINE PAS SKIS AUX PIEDS PRENNENT LE CLUSTER MONTAGNE EN RÉFÉRENCE POUR RÉINVENTER LEUR TOURISME DE MONTAGNE. À SA TÊTE, PATRICK GRAND’EURY, EXPERT CONSEIL EN INNOVATION ET STRATÉGIE D’ENTREPRISE, AUSSI DIRIGEANT ASSOCIÉ DE LUMIPLAN MONTAGNE.

Votre parcours semble tourner autour d’un mot d’ordre : les success stories.

C’est vrai que j’ai le caractère et des passions propices : l’optimisme et l’énergie d’une part, et un plaisir éprouvé à accompagner les dirigeants dans le développement de leur société d’autre part. Mais dans une considération plus formelle, le succès est aussi la finalité des métiers du marketing et de la stratégie d’entreprise dont je suis issu.

Retraçons votre vie professionnelle dans les grandes lignes…

J’ai commencé à travailler dans le domaine en 1986 et créé ma première agence de communication en B to B en 1991 selon une approche ciblée : accompagner les dirigeants des PME dans le sillage des techniques utilisées à très grande échelle telles qu’elles sont mises en place dans les groupes. C’est un public qui a la particularité d’avoir la tête dans le guidon et n’exploite souvent pas suffisamment ses compétences par manque de temps ou de capacités organisationnelles et j’ai toujours adoré apporter mon œil nouveau et mes compétences pour pallier les difficultés qui leur sont propres.
Pour les agences ADN Communication ou encore Kalgoorlie que j’ai respectivement créées en 1991 et 2004, ça a matché. Il y avait une réelle attente sur le territoire rhônalpin et c’est d’ailleurs le travail de développement que j’ai mené pour Lumiplan Montagne, au travers de Kalgoorlie, qui m’a amené à y investir et en prendre la direction générale en 2008.

Si arriver à la présidence du Cluster Montagne prend une dimension graduelle, est-ce aussi un aboutissement ?

Aboutissement je ne sais pas, mais un beau défi, oui. Je suis un fan de l’intelligence collective et le Cluster Montagne en est des plus représentatifs et concrets puisque l’association vise à mailler et renforcer les entreprises liées à l’aménagement de la montagne (neige de culture, dameuses, sociétés d’aménagement, agences marketing) dans leurs actions. Si nous travaillons étroitement avec les fédérations, les institutions et les acteurs de l’enseignement et la recherche, il faut savoir que les 220 entreprises* adhérentes du Cluster représentent quelque 5 000 salariés et un milliard d’euros. C’est donc un réseau fort, à l’échelle de tout l’écosystème de la montagne, qui s’est construit.

L’exemple même de « l’union fait la force » ?

Assurément et davantage encore parce que la force du Cluster Montagne se trouve aussi pour beaucoup dans le cofinancement dont il bénéficie par un équilibre de fonds publics et privés. Les dotations des Régions, principalement la Région Auvergne Rhône Alpes, des CCI et Départements alpins, représentent près de la moitié de notre budget de fonctionnement et cela illustre parfaitement le contrat de confiance qui peut s’établir entre un territoire et une gouvernance privée. Résultat : le Cluster Montagne est un accélérateur économique qui fonctionne très, très bien.

Pour en venir aux fonctions du Cluster Montagne, quelles expertises peut-il affirmer ?

Si les marchés étrangers nous prennent en référence et nous consultent de plus en plus, c’est parce que la France est la première destination touristique hivernale au monde avec plus de 300 stations de ski et plus de 4 000 km de pistes balisées. De nos nombreux domaines skiables découle un savoir-faire français qui s’est confirmé par les réalisations que nous avons menées dans l’Hexagone. Dès lors, bien sûr que la dimension urbanisme et architecture est essentielle dans l’aménagement d’un projet touristique, mais la montagne a des particularités qui rendent multiples les compétences du Cluster Montagne. Sa saisonnalité induit qu’il faut penser le milieu selon des aménagements hiver et été. De même, il faut savoir tenir compte de la climatologie, aller vers une optimisation des espaces en fonction de l’altitude et du caractère, propres à chaque station.

Concrètement, comment fonctionne-t-il ?

Il est structuré en différents pôles. Il tient un rôle de communicant en jouant d’interactions sur les salons professionnels, au travers de conférences, etc. Le pôle Innovation Prospective va chercher à valoriser des produits, services et savoir-faire qui répondent aux enjeux de l’économie touristique de la montagne : durabilité, sécurité, concertation, accessibilité, ludisme, performance. Par ailleurs, le pôle Business Development accompagne ses adhérents dans leur développement en France et à l’étranger en définissant des missions Benchmark et différentes stratégies (rencontres thématiques, restitutions de missions, etc.). Enfin, le pôle Emploi-Formation vise à améliorer le capital humain d’aujourd’hui et de demain : recrutement, renforcement de compétences en ressources humaines, etc.

L’aménagement des stations implique une équation à nombreuses variables… Qu’en est-il de la composante environnementale ?

Dans notre société, il persiste une vision raccourcie qui veut que l’on oppose l’économie et l’écologie, mais c’est passéiste. Je pense que le Cluster Montagne doit travailler avec les associations environnementales tout en accompagnant les industriels dans la dimension durable de leurs projets. Le développement économique, aujourd’hui, se pense dans le respect de l’environnement. Si notre rôle est bel et bien de développer le potentiel de nos boîtes, c’est l’attractivité touristique qui en dépend et par conséquent, la satisfaction collective. La performance et l’innovation du XXIe siècle englobent plus que jamais le volet environnemental et le volet sociétal.

Ces évolutions signifient-elles qu’il faut penser un réaménagement des stations ?

Il y a en effet des changements qu’il faut penser à 20 ans, donc bien au-delà des échéances électorales. Institutions et investisseurs vont davantage devoir construire ensemble. Aujourd’hui, les stations sont pour ainsi dire toutes sur un modèle mimétique de chalets et immeubles, avec une offre dominante basée sur le ski, qui nécessite d’être revisité.
Pour préserver leur attractivité, les stations vont devoir faire des choix et trouver de nouvelles orientations. Certaines resteront orientées sur les activités hivernales, d’autres sur un schéma estival en considérant davantage l’environnement. De même, certaines pourront tendre vers des activités ludiques, d’autres davantage vers la performance sportive ou le bien-être. Il va leur falloir de l’audace et parfois du courage pour oser changer le modèle dominant depuis 50 ans !

Ces changements sont-ils des facteurs de risque pour la filière ?

La chance que l’on a, c’est d’être sur un secteur économique qui se porte encore plutôt bien. C’est donc le moment d’anticiper et d’investir sur le changement. Les élus et les exploitants doivent être les “sponsors” du changement en rassemblant l’ensemble des acteurs du territoire. Avec ses entreprises, le Cluster Montagne est un acteur clé de l’Innovation et contribue à créer les offres de demain.
C’est un travail collectif que je trouve très enthousiasmant. Ce n’est pas le changement qui est mortel, c’est la routine ! (rires) ●

(*) 245 membres dont 220 entreprises.