De la même manière qu’on prouve le mouvement en marchant, c’est en lançant une démarche commerciale forte que le dirigeant réveille en lui-même et chez ses collaborateurs l’envie de se battre, et la vision d’une “nouvelle entreprise”.

 

Une puissante dynamique de motivation

La réussite d’une politique commerciale doit beaucoup à la qualité du processus commercial et au ciblage des actions. Mais un autre facteur contribue à cette réussite : le nouvel état d’esprit qui s’instaure dans l’entreprise, à l’échelle de la direction générale, des équipes commerciales et même, des équipes de production.

Cet état d’esprit, bien sûr, ne se décrète pas. En revanche, le fait de structurer l’action commerciale et de la planifier à long terme contribue à le créer : je le constate, sans exception, dans toutes les entreprises dans lesquelles j’interviens depuis des années.

C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles je signe des contrats d’une durée minimale d’un an. Pour un dirigeant, comme pour ses équipes, il est complètement différent de tenter “un coup pour voir”, ou d’engager des moyens importants sur une année entière.

Par la suite, la façon dont les mentalités évoluent varie d’une entreprise à l’autre. Il n’existe pas en la matière de méthode, ni de scénario-type. C’est pourquoi je préfère évoquer dans cet article les expériences que j’ai vécues, sans vouloir les rattacher à des principes ou à des règles générales.

J’espère toutefois, à travers ces exemples, vous montrer qu’une démarche commerciale structurée peut enclencher une puissante dynamique de motivation, aussi importante que l’effet mécanique des actions engagées, et conduire l’entreprise à des niveaux que ses dirigeants n’imaginaient même pas quelques années plus tôt.

 

Les dirigeants de PME manquent de “vision”

Le propos peut sembler provocateur, mais j’en suis convaincu : bien des dirigeants de PME n’ont pas de “vision” de leur entreprise. Ou plus exactement, ils sont dans une position d’isolement et de (relative) fragilité qui les contraint au réalisme, et les incite à considérer l’avenir dans la quasi-continuité du présent.

Quand je les interroge, à notre première rencontre, sur leurs perspectives de croissance pour l’année suivante, les chiffres énoncés dépassent rarement les 5%. C’est normal, si l’on pense continuer à travailler de la même façon. C’est très inférieur à ce que l’on peut faire, à un horizon de deux ou trois ans, en utilisant la puissance du levier commercial.

Toute la difficulté consiste donc à conduire le dirigeant vers cette nouvelle vision de son entreprise. Cela n’a rien d’évident si la situation est difficile. Mais même si la société est en progression, l’attention de son dirigeant ne se porte pas forcément sur les aspects essentiels.

Toutes les PME n’ont pas la chance d’être submergées de travail. Le premier bénéfice que leur dirigeant peut retirer de la mise en place d’une démarche commerciale est d’ordre psychologique : c’est tout simplement la satisfaction du travail bien fait. Si le marché est couvert de manière exhaustive, si les actions sont programmées pour l’année, si les outils ont été bien pensés, c’est que tout ce qui pouvait être entrepris l’a été.

Le dirigeant a le sentiment légitime d’avoir agi, d’avoir créé quelque chose, d’être passé à l’offensive : il a, en quelque sorte, rempli ses obligations.

Je suis toujours surpris de voir, au cours des mois qui suivent, à quel rythme mes interlocuteurs se prennent au jeu et reprennent à leur compte la démarche que je leur ai proposée.

Au début de notre collaboration, j’ai introduit peu à peu les termes de suspect, de prospect différé, de qualification d’une base, de répétitivité des actions. Le dirigeant et ses équipes commerciales adoptent ces termes à leur tour, dans leurs propos comme dans leurs écrits. Puis ils passent la vitesse supérieure, proposent d’intensifier les actions, veulent aller de plus en plus vite…

Cette attitude m’oblige parfois à les freiner, notamment lorsqu’ils suivent mes conseils sur le principe, mais avec des modalités pratiques complètement différentes !

 

Au fait, qui a eu l’idée ?

Autre signe révélateur de la bonne appropriation de la démarche : une idée que je propose est adoptée par le dirigeant qui, quelque temps après, m’affirmera avec conviction qu’elle venait de lui !

Il est inutile de débattre d’un tel sujet, l’essentiel étant que les résultats soient au rendez-vous. Et puis, le dirigeant qui réagit de la sorte montre qu’il s’est vraiment réapproprié son commercial. Ce qui constitue à l’évidence un gage de succès pour sa démarche…

La motivation de mes interlocuteurs doit toutefois être entretenue, notamment pour prévenir le retour des vieilles habitudes. C’est pourquoi, tout au long de l’année, je rencontre régulièrement le dirigeant ou son directeur commercial pour faire le point des actions en cours : le mailing de rentrée est-il bien parti ? Comment s’est passée la tournée au Japon ? Le nouveau produit sera-t-il prêt à la date prévue ? Les utilisateurs de la base de données commerciales rencontrent-ils des difficultés ? La décision de recruter un nouveau vendeur est-elle validée ? Quel est le profil envisagé ? Que s’est-il passé de notable chez les concurrents ?

Ces rendez-vous réguliers permettent de corriger les dérives, fixent des échéances et contribuent au respect des délais. Ils donnent aussi naissance à la plupart des “grandes idées” évoquées ci-dessus.

S’ils décident de participer directement à l’action commerciale, les dirigeants le font avec talent et avec un plaisir certain. Un de mes clients dans l’agro-alimentaire m’a dit s’être “pris au jeu” et entreprend régulièrement des tournées en France, en Europe et jusqu’au Moyen-Orient, où il compte de nombreux clients. Le commercial occupe maintenant 50% de son temps, contre 20% auparavant.

Il tire en particulier de ses voyages une connaissance approfondie des besoins et des évolutions de son marché, très complémentaire des visites en grande surface auxquelles il se limitait jusque-là. Dans le monde de l’agro-alimentaire, où le marketing est poussé à un rare degré de sophistication, il était impossible de suivre le marché uniquement depuis le bout de la chaîne.

 

Des équipes qui ne demandent qu’à suivre

A part quelques cas difficiles de “barons” qu’il faut gérer avec doigté, je n’ai jamais rencontré d’oppositions franches des salariés pour mettre en place une démarche commerciale. Parfois même, ces salariés étaient convaincus avant leur patron de l’intérêt de certaines actions, et me demandaient de faire pression auprès de lui !

Cette situation s’explique aisément : dans les PME, où les salariés vivent de près les incertitudes de l’économie de marché, le lancement d’une telle démarche a le double mérite de sécuriser l’avenir et d’ouvrir de nouvelles perspectives.

C’est particulièrement vrai pour les vendeurs, qui sentent rapidement le parti qu’ils peuvent tirer de la nouvelle organisation. Nous l’avons déjà dit : elle les dispense de tâches décourageantes comme la prise de rendez-vous ou la prospection “dans le dur” ; à l’inverse, elle leur permet d’exercer leur métier dans des conditions optimales, avec des chances accrues de vendre puisqu’ils se rendent uniquement chez des prospects et des clients.

Les réunions de travail gagnent en intérêt et en productivité :

J’y ai trouvé un sens, car nous parlons de choses concrètes et d’indicateurs fiables

m’expliquait un commercial. Et pour peu que le système de rémunération soit largement proportionnel, tout contribue à la motivation des vendeurs.

Même constat pour l’assistante commerciale, qui jongle souvent entre de multiples tâches (administration des ventes, secrétariat du directeur commercial, standard, etc.) et subit chaque jour les conséquences du manque d’organisation. Son rôle est redéfini : elle doit se consacrer exclusivement au commercial, afin que celui-ci ne passe pas après tout le reste. Un changement qui modifie complètement les perspectives de l’intéressée…

Pendant des années, m’expliquait l’une d’elles, nous avons travaillé dans l’urgence et l’improvisation. On subissait le flot quotidien de travail en essayant de rester réactifs, mais rien n’était suivi.

En rentrant dans une démarche structurée et dans des actions que je qualifierais d’“intelligentes”, j’ai acquis une nouvelle motivation. De plus, j’ai bénéficié de plus d’autonomie, de responsabilités et de disponibilité. Une personne a même été recrutée pour le standard, qui occupait jusqu’à 50% de mon temps.

 

Chaque détail concourt à l’efficacité commerciale

Ce témoignage introduit une réalité importante : la mise en place d’une nouvelle démarche a des répercussions bien au-delà du seul service commercial. C’est souvent l’entreprise tout entière qui est remise en cause dans son organisation et son fonctionnement. Ceci pour une raison simple : chaque détail concourt à l’efficacité commerciale.

Ainsi un autre client de Wikane, évoluant sur le marché de l’événementiel, dont le développement fulgurant a imposé une mutation accélérée de l’organisation, a dû abandonner sa culture familiale et patriarcale, dans laquelle chacun était susceptible d’occuper n’importe quel poste selon les urgences du moment. Il a mis en place un découpage en trois départements, des définitions de postes, des réunions hebdomadaires et mensuelles, des groupes de travail thématiques, une séparation franche entre le commercial et la production, etc…

Ce dernier aspect fut le plus difficile à faire admettre. Pour tout le monde dans l’entreprise, il allait de soi que seul un producteur d’événements était capable de vendre un événement.

Or, les salariés de l’entreprise étaient des techniciens et des logisticiens hors pair, mais pas des hommes d’entreprise ni des vendeurs. Même si la société continuait à grandir de 30% par an, tout en ne répondant pas (faute de temps !) à la moitié des consultations qu’elle recevait, il fallait clarifier les rôles : la passion qui permettait aux salariés de travailler 50 à 70 heures par semaine aurait fini par retomber.

De plus, la surcharge de travail permanente des uns et des autres menaçait la qualité des organisations, alors que l’entreprise avait fondé sa réputation sur son excellence dans ce domaine. L’entreprise vécut par exemple une violente crise lors d’un événement où le vestiaire n’avait été prévu que pour 600 personnes, alors que 900 invités étaient attendus.

Ce fut une belle pagaille, les invités durent attendre de longues minutes, quelques sacs furent perdus, mais la réunion d’état-major du lendemain donna naissance à une procédure qui depuis, a largement fait ses preuves : la veille d’un événement, le chef de projet subit un audit complet de son dispositif, piloté par un responsable complètement extérieur au projet.

Depuis, les initiatives des chefs de départements ont montré qu’ils prenaient parfois de l’avance par rapport à notre vision des choses. Je citerai par exemple les check-lists extrêmement fouillées qui permettent de prévoir chaque détail d’un événement de 1000 personnes, depuis les cartouches d’encre des imprimantes de l’accueil jusqu’au service médical* ; aux organigrammes qui décrivent la préparation de cet événement sur un an, du premier contact avec le client au bilan financier ; à la qualité graphique et visuelle des propositions commerciales, sans commune mesure avec les documents bâclés d’autrefois…

 

* lors d’un séminaire interne organisé en Suisse par une société informatique, un cadre victime d’un infarctus est décédé faute d’avoir été secouru assez vite. Depuis, la présence d’un service médical tend à devenir une norme pour les organisateurs d’événements.

 

A quoi sert tout cela, puisque la société ne parvient même pas à suivre la demande ? A donner plus de visibilité et surtout, de sens au travail des salariés, parce que l’anticipation l’emporte sur l’improvisation ; à déterminer des priorités, quand les affaires se bousculent, entre le suspect à conquérir à tout prix et le prospect chaud à faible potentiel ; à faciliter la circulation de l’information entre départements, donc à créer les synergies commerciales qui sont, nous l’avons expliqué, l’un des moteurs de l’entreprise. 

Il est frappant de constater que les actuels cadres dirigeants, rentrés dans l’entreprise entre 1987 et 1988, en font tous partie plus de 25 ans plus tard. Il leur était facile de monnayer leur expérience ailleurs, ou de monter leur propre société. Mais la société a suffisamment progressé, et leur rémunération a assez augmenté, pour qu’ils ne soient pas tentés de partir.

 

En résumé…

  • La mise en place d’une démarche commerciale structurée suscite une puissante dynamique de motivation, tant au niveau de la direction que des équipes commerciales ou des opérationnels. C’est un élément moteur, aussi efficace à long terme que la démarche elle-même.
  • Les dirigeants doivent sortir de leur ancienne vision de l’entreprise, basée sur l’historique, pour se projeter dans une perspective de croissance forte et dans une “nouvelle entreprise”, très différente de la réalité du moment.
  • L’avancement de la démarche commerciale doit être balisé régulièrement par des réunions permettant de faire le point et de préparer les étapes suivantes.
  • Les commerciaux et l’ensemble des salariés des PME adhèrent fortement à cette démarche, même si elle nécessite des réaménagements internes significatifs. L’attention doit se porter aussi bien sur les grandes lignes que sur les petits détails, car tout concourt à l’efficacité commerciale.
  • L’expérience montre qu’une telle démarche peut aussi être utilisée avec profit pour créer une culture commerciale dans une structure publique ou para-publique.