Peut-on encore réussir aujourd’hui dans le numérique ? « Heureusement, c’est possible » répond sans hésiter Xavier Court, associé cofondateur de vente-privée, créateur et leader mondial de la vente événementielle sur Internet. Xavier Court se dit très optimiste, à la fois pour l’avenir de vente-privée et pour celui de la création d’entreprise en France.

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Lancé en 2001 par 8 associés cofondateurs* et rentable depuis 2004, le site vente-privee fait partie des quelques success-stories françaises de l’internet. Le principe est simple : une inscription sur le site permet d’accéder aux plus belles marques (6 000 marques partenaires), mises en scène avec élégance, à des prix privilégiés, pour une durée limitée. L’idée a germé dans la tête de l’actuel P.-D.G. fondateur de vente-privee, Jacques-Antoine Granjon, diplômé de l’EBS (European Business School), et fondateur, dès 1985, avec un ami de promo, Julien Sorbac, de la société Cofotex S.A spécialisée dans la vente en gros de produits de fin de série. Le développement d’Internet au début des années 2000 débride l’inventivité des jeunes créateurs qui imaginent un concept totalement novateur : proposer aux clients du monde entier, chaque jour, au cours de ventes événementielles, des articles de grandes marques présentés dans un écrin créatif, à des prix privilégiés pour des raisons industrielles ou promotionnelles (fin de série, collections passées, etc.), en particulier de prêt-à-porter. Le succès leur donne raison et peu à peu les activités s’étendent aux accessoires de mode, à l’équipement de la maison, aux articles de sport, aux jouets, au high-tech, aux voyages, à la gastronomie, au vin, à la billetterie… !

 

Une référence dans l’expertise de l’e-commerce …

« La société a un potentiel important car elle répond à deux critères » souligne Xavier Court. D’abord, un besoin des marques et des entreprises qui ont en permanence des surstocks et qui doivent le déstocker de la manière la plus efficace possible, sans dégrader leur image, ensuite l’envie des consommateurs d’avoir accès à de grandes marques, à des prix pré-discountés, pour des achats plaisir. Présente dans 14 pays**, vente-privee.com emploie 4 500 personnes et réalise plus de 3 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Elle est reconnue comme une des sociétés les plus attractives.
« Il est important que nos collaborateurs se sentent bien, assure Xavier Court. Le fait d’être innovants et d’investir en R&D fait que nous attirons des talents qui ont envie que les choses bougent et d’aller de l’avant. Ils n’ont pas envie d’aller vers des sociétés qui « ronronnent ». « Nous lançons sans arrêt des nouveaux produits, que ce soit dans la billetterie, dans le vin, dans le voyage. Nous ne sommes qu’au début de l’histoire et nous avons encore un potentiel énorme de développement. Nous avons déjà vendu des voitures, des appartements, des piscines… Il n’y a pas de limite. Nous proposons aux 5 millions de personnes qui viennent chaque jour sur notre site, des produits qui n’ont pas été vendus pour des raisons industrielles ou promotionnelles ». Aujourd’hui le site compte 50 millions de membres dans le monde. L’entreprise a plus récemment étendu ses activités à l’immatériel. Depuis quelques années, ses fondateurs s’ancrent aussi dans la culture. vente-privee est désormais propriétaire à Paris du Théâtre de Paris (depuis 2013), du Théâtre de la Michodière (2014) et du Théâtre des Bouffes Parisiens (2016), ce qui lui permet notamment de promouvoir des artistes et d’organiser des événements exclusifs pour ses membres. Souvent récompensée, la société est devenue une référence pour son expertise des métiers de l’e-commerce et de la relation clients.

 

… en toute indépendance

Le nombre important d’associés, qui aurait pu être un handicap, se révèle une force. « Nous sommes huit cofondateurs associés, avec des compétences complémentaires. Nous avons surtout le contrôle absolu de notre société. Nos choix sont dictés par notre vision, et non par des fonds d’investissement, des banques ou la Bourse, explique Xavier Court.

Notre indépendance a été une grande partie de notre succès car nous avons pu prendre toutes les décisions que nous voulions au moment où nous le voulions. Lorsque vous dépendez de fonds d’investissement ou de la Bourse, une partie de vos décisions est liée à des besoins et à de la rentabilité à court terme. Le timing de la finance n’est pas toujours celui de l’entreprise. Nous, nous sommes toujours indépendants ». L’indépendance est l’un des credo omniprésents dans les convictions affichées par Jacques-Antoine Granjon, l’inventeur du concept qui s’est affirmé comme le leader du groupe.
« Quand on crée une entreprise, il faut essayer de trouver les fonds autour de soi et limiter les dépenses pour ne pas avoir besoin de financements extérieurs. Lorsqu’il arrive que l’on ne puisse pas faire autrement, il faut essayer au maximum de ne pas être dilué pour garder son indépendance le plus longtemps possible » conseille Xavier Court. Dans ce contexte, on se demande si la success-story de vente-privee serait encore possible aujourd’hui.

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Start-up et création d’entreprise se confondent

« Heureusement c’est possible ! s’exclame le dirigeant. C’est une des grandes forces de la France. Tous les jours se créent des start-ups, tous les jours se créent des sociétés. Nous sommes un des pays d’Europe qui est le plus créatif. Il y a déjà 1 000 start-ups dans l’incubateur station F qui vient d’être inauguré et au sein duquel on retrouve l’accélérateur de start-up, vente-privee Impulse. Je pense que la France est un très bon pays pour entreprendre car nos écoles enseignent aussi bien les techniques que les sciences de la vie ou la philosophie, ce qui stimule la créativité. Ensuite, il n’est pas très difficile de trouver des financements d’amorçage. Après c’est vrai, lorsque l’entreprise atteint sa taille critique, il est plus compliqué de trouver des financements plus importants. Trop souvent, pour se développer, il faut s’exiler ou vendre. C’est notre handicap par rapport aux États-Unis ». Pour Xavier Court, création d’entreprise et start-up ne se différencient plus vraiment. « Quand on parle de start-up, on peut parler de création d’entreprise, c’est la même chose, que vous montiez une boulangerie en bas de chez vous ou une boîte techno, c’est une entreprise à développer. C’est juste la finalité qui change. Le digital permet de réinventer les choses. Il ouvre de nouvelles perspectives à de vieux métiers. J’ai rencontré une jeune femme de Saint-Étienne qui a repris la mercerie du centre-ville en y ajoutant une touche de digital, c’est-à-dire du e-commerce. Aujourd’hui elle vend ses boutons partout en Europe, jusqu’en Norvège. Il n’y a rien de nouveau, rien de révolutionnaire, mais elle touche beaucoup plus de clients. Je suis très optimiste car de nombreux secteurs de services aux particuliers se créent. Bien sûr, des emplois disparaissent dans certaines activités, mais beaucoup se créent avec l’usage du numérique. C’est une période très intéressante ! » Les risques ? Xavier Court les balaye rapidement. « Nous ne sommes plus dans le système de bulles d’il y a 20 ans. Au début des années 2000, on ne parlait pas d’objectif. Il fallait créer des boîtes, prendre des parts de marché extrêmement vite sans se préoccuper de la rentabilité. Une société doit être rentable, si vous voulez créer des emplois et les développer. C’est surtout cela qui a changé au cours des 20 dernières années. Aujourd’hui il y a une vraie maturité des entrepreneurs. Les dérives touchent plutôt la valorisation financière de certaines sociétés que l’on a tendance à exagérer… surtout aux États-Unis ».

 

Trouver le bon moment

Il reste que le rêve de l’argent vite empoché continue de motiver. « Je vois encore trop de gens qui me disent “j’ai une super idée, on va lever plein d’argent, on va s’éclater“, ce n’est pas ainsi que cela fonctionne. Si on croit à son idée, il faut essayer de la développer. Lancer une boîte pour devenir milliardaire ça n’existe pas. C’est une aventure totale, et plus on se lance jeune, mieux c’est ! ». Et de rappeler que les mentalités ont changé depuis une trentaine d’années. « À l’époque, un créateur d’entreprise qui avait échoué était regardé comme un paria. Maintenant c’est exactement l’inverse. On se dit qu’au moins il a essayé, qu’il a appris, qu’il s’est cultivé et nourri d’une autre manière. L’échec ce n’est pas grave ! ». Trouver le bon moment est primordial. Ni trop tôt, ni trop tard ! « Il faut une part de chance, mais la chance se provoque. Si nous avions voulu lancer vente-privee deux ans plus tôt, la technologie n’aurait pas permis de le faire. Il faut être en éveil et s’adapter aux évolutions du marché et des outils. Les sociétés qui n’évoluent pas disparaissent. Chez vente-privee, nous avons commencé par vendre des produits de fin de série et l’on continue à le faire, mais nous avons fait évoluer notre modèle en élargissant l’offre vers la billetterie par exemple, les voyages, le lancement de nouveaux produits. En 2016, nous avons investi 90 M€ dans l’innovation. Nous nous adaptons, mais la vision reste la même ». Une vision désormais internationale puisqu’après une phase de croissance interne, vente-privee a fait l’acquisition, en 2015, à part majoritaire du groupe belge Vente-Exclusive.com, et, en 2016, de l’Espagnol Privalia, du Suisse e-boutic.ch, du Polonais zlotewyprzedaze.pl, et du Danois Designers&Friends. Xavier Court semble avoir une fois de plus raison : l’histoire ne fait que commencer !

* Jacques-Antoine Granjon (P.-D.G.), Xavier Court en charge du business-development, Ilan Benhaïm, Michaël Benabou, Eléonore Sabates, Claude Sorbac, Philippe Naggar, Julien Sorbac.

** France, Italie, Espagne, Allemagne, Autriche, Benelux, Royaume-Uni, Suisse, Pologne, Danemark, Brésil et Mexique.